Incroyable ce que l’on peut découvrir en une seule
journée de visite organisée par les Amis du Musée et de
la Médiathèque de Roanne !
Ils sont 52 ce dimanche matin d’octobre 2005 à prendre le car Mondon
sous un ciel chargé de pluie… ils seront 52 au retour, enchantés
par une journée superbe réconciliée durant l’après-midi
avec un beau soleil d’automne.
Le château de Fléchères, situé sur le territoire
de la commune de Fareins (Ain), est un miraculé du patrimoine sauvé
de justesse d’un abandon irrémédiable. Son origine remonte
à 1610-1620, époque où Jean de Sève édifie,
sur l’emplacement d’une maison forte qui défendait un gué
sur la Saône, un château imposant en une seule campagne de travaux.
Cantonné de quatre tours carrés et ceint de larges douves, l’édifice
conserve le plan médiéval. L’ampleur de la construction,
exceptionnelle dans la région, s’explique par la présence
dans le corps de logis central d’un temple protestant de deux cent cinquante
mètres carrés, que nous ne visiterons pas d’ailleurs.
Le jardin à la française qui faisait jadis un écrin élégant
au château n’était plus dans les années 1980 qu’un
champ de ronces et de buissons, et l’édifice lui-même, sous
une toiture en détresse, n’était que l’ombre de lui-même.
Il faut attendre la fin de l'année 1997 et l’acquisition du domaine
par Marc Simonet-Lenglart et Pierre-Albert Almendros (déjà propriétaires
du château de Cormatin en Bourgogne) pour que soit engagée - dès
1998 et pour cinq ans - une grande campagne de restauration de l'édifice
et de ses jardins. Une merveille de plus sauvée dans le patrimoine français.
En 1998, dès les premières phases de restauration du château,
sont découvertes sous un enduit les fresques de Pietro Ricci. Des décors
peints sont mis au jour dans une dizaine de salles.
Et les A2MR ont donc pu visiter une partie importante de la grande demeure au
charme si nostalgique dans la campagne automnale qui l’entoure. La légende
cinématographique avait su en son temps utiliser le décor lors
du tournage, en 1968, du film de Philippe de Broca, « le diable par la
queue ». C’était l’histoire d’un château
délabré du XVIIe siècle qui abritait une famille d'aristocrates
désargentés. Pour le sauver de la ruine, la marquise, maîtresse
des lieux, décida d'en faire un hôtel ! La suite de l’histoire
ne manque ni d’humour ni de pittoresque ! Si d’aventure vous revoyez
ce film, ayez une pensée pour Fléchères.
Une petite promenade dans notre diaporama donnera une idée de cette visite
remarquable.
Selon les désirs des sires de Beaujeu qui l'ont créée
en 1140 sur un fond de plaine marécageuse, Villefranche avait initialement
vocation à contrecarrer les prétentions hégémoniques
des puissants archevêques comtes de Lyon. Surprenante, cette idée
de construire une ville dans un creux de cuvette autour d’une grande artère
centrale, la rue Nationale. Au fond du creux coulait et coule toujours le Morgon,
petit torrent quasi confidentiel aujourd’hui, mais dont les colères
ont paraît-il été homériques.
De chaque côté de la rue Nationale, rien à première
vue de très spectaculaire, sinon la façade magnifique (gothique
flamboyant du XVIe siècle) de la Collégiale Notre-Dame des Marais,
dont les fondations furent bâties sur quantité de gros pilotis,
un peu à la manière de Saint-Marc à Venise, et pour la
même raison.
Les deux guides chargées de nous aider à mieux connaître
cette étrange cité si bien dissimulée aux regards curieux
avaient chacune le trousseau de clé indispensable… Imaginez une
promenade banale dans une artère commerçante… Tout à
coup, une borne en bronze figée sur le bord du trottoir : elle porte
un commentaire discret invitant le passant à pénétrer sous
un porche ou par un couloir fermé, car, promet elle, vous allez avoir
une révélation : quelques dizaines de mètres au-delà
du couloir, vous débouchez dans une courette entièrement cernée
d’édifices… et quels édifices ! Des merveilles du
XVIe et XVIIe siècles, l’un des secrets de Villefranche : la demeure
des domestiques et celle de leurs maîtres se font face, en l’état,
figées et intactes dans un tête-à-tête pétrifié.
Plutôt que de décrire ce que les mots sont bien en peine de restituer
fidèlement, parcourons plutôt ces quelques photos… On peut
voir encore sur l’une d’entre elles une immense cheminée
où les cuisiniers activaient les rôtis pour la maison d’en
face.
Et cette originalité de la ville persiste en plusieurs endroits de la
rue centrale chaque fois indiqués par une borne de bronze identique :
de part et d’autre, les très anciennes parcelles de propriétés
larges de une ou deux toises, pas davantage, reproduisent à l’identique
cette disposition étonnante, tant et si bien que Villefranche est parvenue,
avec discrétion, à sauvegarder à ciel ouvert mais à
huis clos plusieurs de ces richesses architecturales. La vitrine sociale qu’est
habituellement la façade n’était manifestement pas l’essentiel
pour les bourgeois de la ville, mais en leurs courettes les vieilles familles
préservaient jalousement leur domaine et le faisaient aménager
et décorer avec amour. Il faut voir la Maison de la Bessée, l’auberge
de la Coupe d’Or, l’hôtel
Gayand, la Maison Roland, la Maison Giliquin, la Maison « les Fleurons
»… Villefranche ne peut laisser indifférent les plus blasés.
Le musée Paul Dini non plus d’ailleurs. La fin de notre court séjour
lui est consacré, et nous avons l’honneur d’y être
reçus par le fondateur en personne. En 1998, Paul, entrepreneur d'origine
stéphanoise, né en 1937, et Muguette Dini faisaient don d'une
grande partie de leur collection de peintures à la ville de Villefranche-sur-Saône.
La municipalité accueillait à bras ouverts une manne artistique
propice à faire renaître un musée réduit depuis une
trentaine d’années à une existence de principe. 450 tableaux
signés de quelque cent cinquante artistes, du XIXe siècle à
nos jours constituaient cette donation. Tous entretenant un rapport avec la
région Beaujolaise ou lyonnaise. La visite de ce musée a permis
à tous les passagers du car de passer de la théorie à la
pratique : après avoir appris beaucoup sur les peintres de Lyon grâce
à un film présenté durant le voyage, ils avaient leurs
œuvres directement sous les yeux. Impossible de citer tous les artistes
exposés, mais, outre Suzanne Valadon, il faut au moins mentionner Jacques
Truphémus, auquel est consacrée une exposition rétrospective.
Concernant cet artiste, le Musée Paul Dini de Villefranche-sur-Saône
présente la première collection publique de l’artiste (19
toiles). Grâce aux témoignages, aux archives de l’artiste
et à des citations biographiques fréquentes, la visite, commentée
par deux spécialistes de valeur, a été un vrai plaisir,
même si le style de Truphémus, dont les couleurs allusives se diluent
presque toujours sous un effet de brume omniprésent, n’a pas suscité
chez tout le monde l’émotion poétique si souvent au rendez-vous
chez ce peintre de l’intime.
(Michel Barras)