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Conférence

Mais qui était donc Yves Klein ?

Conférence du 31 mars 2005 par J.L. Brignolat
(pour ne pas y voir que du bleu...)

 

Artiste hors normes que ce peintre illuminé : Jean Louis Brignolat n'avait pas la tâche facile en voulant aider les spectateurs à pénétrer dans les mystères d'une courte carrière ponctuée d'actes créateurs aux apparences franchement anti-académiques, sinon provocatrices. M Brignolat maîtrisait fort bien son sujet et a su introduire posément l'assistance dans une découverte stupéfiante qui ne cachait rien d'essentiel, tout en évitant tout parti pris facile.

Que retenir ? Il y a chez cet artiste (judoka et ennemi de la peinture traditionnelle !) un fond d'ésotérisme qui d'emblée écarte la réflexion des sentiers habituels. Jamais peut-être les données simples que sont les couleurs, les pinceaux, les formes, la toile et l'espace, l'esprit d'une œuvre n'ont été poussés à de tels paroxysmes d'interprétation.

J.L. Brignolat
Jean-Luc Brignolat

La forme -" enveloppe " habituelle du dessin- se dissout assez vite dans un " monocolorisme " obsessionnel qui la dépasse et la relègue au rang de valeur secondaire. Il n'y a plus d'objet représenté, et l'artiste lui-même tend à s'estomper, pour créer une communion directe entre la nature et l'esprit. Les couleurs ne sont plus ces subtiles combinaisons où contrastes et alliances faisaient surgir le rêve esthétique : une COULEUR, telle une " pensée visuelle ", devient pour Klein une fin en soi, une vibration puissante, une intensité irradiante assimilable à une force magnétique qui fascine l'attention. On perçoit l'effort de Klein qui tente la transmutation des éléments matériels propres à la peinture en spiritualité : Il s'est imprégné du mysticisme de l'ordre de la ROSE-CROIX, et sous cette influence s'est consacré à l'étude des lois de l'univers et de la nature tout en s'adonnant à la contemplation de la " Beauté Incréée ". Le désir de comprendre et le sens de l'émerveillement supérieur caractérisent à merveille sa démarche personnelle.

Sur cette voie, il aspire naturellement à la plénitude chromatique. Des bleus, ou des ocres, parfois des verts s'emparent de toute la toile, et Yves Klein fait son choix selon le sens symbolique de la longueur d'onde. Le bleu est sa couleur fétiche, il a en eu la révélation dans les ciels de Giotto à Assise. Il est clair qu'une toile de Klein demande du temps, si possible un fauteuil, une capacité à la contemplation prolongée. Ce sont des " compositions " autant pour lieux de culte que pour musées et expos : on ne peut voir Klein en simple consommateur d'art : pour s'abandonner à toute forme de transe hypnotique, il faut un recueillement et une disponibilité exceptionnelles !

Le pinceau ne résiste pas longtemps lui non plus à la pression de pareilles exigences. Klein n'hésite pas à faire appel au rouleau, puis au corps humain lui-même, voire aux éléments naturels comme le feu, la pluie, le vent ou la poussière, à qui il laisse le soin d'imprimer directement des traces colorées. L'espace, offert par la toile, ne suffit plus lui non plus : Klein, qui a appris à le maîtriser physiquement par le judo, aspire à l'utiliser spirituellement, et se fait le chantre du VIDE auquel il consacre un jour une exposition virtuelle, ce qui ne l'empêche pas de monnayer ses " créations " au prix de l'or fin ! Parvenu à un tel degré d'abstraction, il passe de plus en plus pour un artiste mystique et chimérique, que l'on pourrait comparer à Icare risquant de se brûler les ailes en s'approchant de la fournaise du soleil.

L'idée même d'esthétique s'est volatilisée. Yves Klein est parvenu à créer un mythe aux confins du pictural et du spirituel, et ce mythe est pour les uns devenu une œuvre en soi, pour les autres un itinéraire farfelu aboutissant à une impasse.

Qu'aurait-il fait s'il avait vécu plus de 34 ans ? Aurait-il persisté jusqu'à la folie ? Serait-il, à la façon de Malevitch, revenu à des conceptions plus traditionnelles ?

Il demeure que grâce à l'exposé dense et précis de JL Brignolat chacun est devenu capable de mieux répondre à la question : " Pourrai-je aimer l'œuvre de Yves Klein ? "

(Michel Barras)

L'asssitance


(Amphithéâtre Centre P. Mendès-France 31 mars 2005)

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